Depuis quelques années, la souveraineté numérique s’est imposée comme un sujet majeur dans les discours politiques, institutionnels et stratégiques.
Souveraineté numérique : après les mots, place aux actes

Yohan Parent, Architecte Avant-vente, NumSpot a accepté de partage son analyse du sujet.
Dans un contexte de tensions géopolitiques, d’explosion des données, de réglementations de plus en plus strictes (RGPD, Data Act, NIS2…) et d’essor de l’IA générative, cette question est devenue centrale. Mais dans les faits, la majorité des entreprises européennes reste fortement dépendante des hyperscalers américains. Pourquoi ce décalage entre discours volontariste et réalité opérationnelle ?
Le mirage du catalogue infini
AWS, Azure ou GCP impressionnent par la largeur de leur catalogue, parfois composé de plus de 200 services. Cette abondance crée une illusion de puissance et d’innovation permanente. Mais dans les faits, seuls une dizaine de services sont réellement utilisés par la majorité des clients : stockage objet, machines virtuelles, bases de données, gestion réseau, outils DevOps de base, monitoring. Cette asymétrie entre l’offre pléthorique et l’usage concret renforce insidieusement le verrouillage : plus on intègre des services spécifiques, plus on devient dépendant.
Cette logique de « catalogue hypnotique » empêche souvent les décideurs d’évaluer de manière rationnelle les alternatives souveraines, pourtant parfaitement adaptées à une grande partie des cas d’usage. De plus, ce choix astronomique de services disponibles crée, chez la plupart des entreprises, une paralysie d’action au moment de migrer leur infrastructure vers le cloud, les empêchant de faire des choix rationnels correspondant à leurs besoins réels.

Cloud souverain : de la promesse à la réalité technique
Certains acteurs, sous couvert d’initiatives hybrides, proposent des offres à l’étiquette « souveraine » reposant encore sur des socles technologiques étrangers. Le risque : déplacer les données en France sans pour autant garantir la gouvernance, la transparence du code, ou la capacité à auditer les briques critiques.
Une stratégie de souveraineté numérique efficace repose sur trois piliers essentiels : la localisation des données et des traitements dans des juridictions offrant des garanties de protection adéquates ; une gouvernance européenne, indépendante des législations extraterritoriales comme le CLOUD Act ; et enfin, la maîtrise technique, qui implique un accès audité et documenté à l’infrastructure, une interopérabilité effective ainsi que la possibilité de réversibilité sans entrave.
Pourquoi le passage à l’acte reste difficile
Les freins à l’adoption d’une véritable stratégie de souveraineté numérique sont multiples. Certains sont d’ordre perceptif, comme la croyance persistante que performance ou scalabilité ne seraient pas au rendez-vous. D’autres sont plus concrets, liés aux coûts de migration, à la dépendance aux architectures en place ou encore au manque de visibilité sur les retours sur investissement. Enfin, des obstacles culturels subsistent : les DSI se retrouvent souvent isolés face à la complexité du sujet, sans accompagnement adapté pour mener à bien cette transformation. La souveraineté effraie encore par sa complexité présumée. Il faut au contraire l’aborder de façon pragmatique, progressive, modulaire.
Vers une souveraineté de valeur
Plutôt que de rêver à un jumeau européen des hyperscalers, il est temps de viser la pertinence. Il s’agit d’abord de répondre aux besoins réels, en proposant une offre resserrée autour d’une dizaine de services bien conçus, interopérables, stables et sécurisés, plutôt qu’une multitude de solutions fragmentées. Ensuite, il est indispensable d’accompagner les DSI grâce à des outils de portabilité, de migration et une documentation claire. Enfin, l’expérience utilisateur ne doit pas être négligée : les développeurs et intégrateurs attendent des plateformes fluides, fonctionnelles et immédiatement exploitables, bien plus que de simples promesses.
La souveraineté numérique ne se résume pas à un label ou un datacenter situé en France. Elle se construit dans le temps, avec de la clarté, de la transparence et un accompagnement de terrain. Le chemin existe. Il exige de la volonté, de l’exigence, et un partenariat étroit entre offreurs, intégrateurs et entreprises utilisatrices. Reprendre le contrôle de ses données, c’est reprendre le contrôle de sa stratégie. Il est temps de passer aux actes.
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