Et si demain toutes nos communications ultra-sécurisées devenaient lisibles par n’importe qui ? C’est la menace que fait peser l’informatique quantique sur la cybersécurité. Mais peut-on encore éviter le pire ?
L’informatique quantique redéfinit-elle les codes de la cybersécurité ?

Pauline Faria chez mc2i a accepté de partager son expertise sur le sujet
L’informatique quantique est une nouvelle approche du calcul informatique qui repose sur les principes de la mécanique quantique, une branche de la physique qui décrit le comportement des particules à l’échelle atomique et subatomique. Contrairement à l’informatique classique, qui manipule des bits pouvant être soit 0 soit 1, l’informatique quantique utilise des qubits, capables d’exister simultanément dans plusieurs états grâce au phénomène de superposition. De plus, ils peuvent être intriqués, ce qui signifie qu’ils partagent un lien instantané, quelle que soit la distance qui les sépare. Ces propriétés permettent aux ordinateurs quantiques de résoudre certains problèmes bien plus rapidement que les ordinateurs traditionnels.
Aujourd’hui, bien que la technologie en soit encore à ses débuts, des entreprises comme Google, IBM ou encore des laboratoires de recherche développent des prototypes qui pourraient, à terme, bouleverser de nombreux domaines. Parmi les applications les plus prometteuses figurent la simulation moléculaire pour la chimie, l’optimisation de systèmes complexes et, surtout, le traitement des algorithmes cryptographiques, ce qui représente une menace majeure pour la cybersécurité.
Un danger imminent pour la cryptographie
La sécurité informatique repose en grande partie sur des algorithmes cryptographiques basés sur des problèmes mathématiques difficiles à résoudre pour les ordinateurs classiques. Par exemple, le chiffrement RSA, largement utilisé pour sécuriser les communications en ligne, repose sur la difficulté de factoriser de grands nombres premiers. Actuellement, avec les moyens informatiques disponibles, cette opération prendrait des milliers, voire des millions d’années. Cependant, l’algorithme de Shor, développé en 1994, a théoriquement démontré qu’un ordinateur quantique suffisamment puissant pourrait factoriser ces nombres de manière exponentiellement plus rapide. En d’autres termes, il serait capable de casser des systèmes de chiffrement pourtant considérés comme inviolables aujourd’hui.
Les conséquences d’un tel bouleversement seraient considérables et irréversibles. Des données personnelles, des transactions bancaires, des communications diplomatiques et même des infrastructures critiques pourraient devenir vulnérables. Pire encore, certains acteurs malveillants pourraient déjà adopter une approche dite de « harvest now, decrypt later », qui consiste à stocker des données chiffrées aujourd’hui en attendant de disposer, dans le futur, de la puissance quantique nécessaire pour les décrypter.

La réponse : la cryptographie post-quantique
Face à cette menace, des solutions émergent. L’une des principales contre-mesures est la cryptographie post-quantique. Il s’agit d’algorithmes conçus pour résister aux attaques des ordinateurs quantiques, basés sur des problèmes mathématiques qui demeurent complexes même avec ces nouvelles machines.
Plusieurs approches sont en cours d’étude, notamment la cryptographie basée sur les réseaux euclidiens, les codes correcteurs d’erreurs et les signatures à base de fonctions de hachage. Des institutions comme le National Institute of Standards and Technology (NIST) travaillent actuellement à la standardisation de ces nouvelles méthodes, avec pour objectif d’établir des standards sécurisés d’ici la fin de la décennie.
En parallèle, le développement des réseaux quantiques offre une autre piste de protection. Le chiffrement quantique, et en particulier la distribution quantique de clés (QKD), repose sur les propriétés fondamentales de la mécanique quantique pour garantir des communications inviolables. Toute tentative d’interception d’une clé quantique entraîne une modification de son état et la tentative d’intrusion est immédiatement détectée. Cette technologie est déjà testée dans certains réseaux hautement sécurisés, mais elle reste encore limitée en termes de portée et de coûts.
Une course technologique mondiale
L’informatique quantique n’est pas seulement une révolution technologique, elle représente aussi un enjeu stratégique majeur au niveau mondial. Les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et d’autres puissances investissent massivement dans cette technologie, conscients de ses implications en matière de sécurité nationale et d’avantages économiques.
La suprématie quantique, c’est-à-dire le moment où un ordinateur quantique surpassera définitivement les supercalculateurs classiques pour certaines tâches cruciales, est au cœur de cette compétition. Les États et les grandes entreprises technologiques se livrent une course pour ne pas être dépassés.
Le compte à rebours est lancé
L’informatique quantique représente ainsi à la fois une menace et une opportunité. Si elle risque de remettre en cause les systèmes de sécurité sur lesquels repose notre monde numérique, elle incite aussi à innover et à développer de nouvelles approches en cryptographie.
La transition vers un monde post-quantique est en marche, et ceux qui s’y préparent dès aujourd’hui auront un avantage stratégique considérable dans cette révolution technologique inévitable.
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