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Attirer et retenir les talents : l’impact des IDE face aux nouveaux défis des entreprises et des pouvoirs publics

Enjeux IT - Par Sabine Terrey - Publié le 13 juillet 2023
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Au cœur d’une crise qui attise les polémiques et qui touche l’ensemble de l’Europe, se trouve la question stratégique de l’attraction et de la rétention des talents, qui est intimement liée à la capacité des territoires à attirer – et à conserver – les investissements.

Attirer et retenir les talents : l’impact des IDE face aux nouveaux défis des entreprises et des pouvoirs publics

Le deuxième trimestre de l’année 2023, déclarée Année européenne des compétences par le Parlement et la Commission européenne, s’est achevé dans un climat de tensions autour du sujet de l’emploi. En France, face à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée notamment dans le secteur numérique, la question de la régularisation des métiers en tension a ainsi succédé au débat sur l’assurance chômage.

Aisling Soden, senior vice-president en charge des talents, de la transformation et de l’innovation au sein d’IDA Ireland, l’agence irlandaise de promotion et de développement des investissements directs étrangers, partage son analyse de la situation et des solutions possibles.

Aux quatre coins de l’Europe, alors que le taux de chômage est historiquement bas, le nombre d’offres d’emploi non pourvues atteint des records. Comment expliquer ce paradoxe ?

Effectivement, le taux de chômage a chuté à 6,7 % en Europe, son niveau le plus bas depuis 30 ans. Parallèlement, le taux d’emplois vacants au sein de l’Union européenne, qui s’élève à 2,8 %, n’a jamais été aussi élevé depuis 10 ans. La « grande démission », l’impact de la Covid-19 et le vieillissement de la population sont autant de facteurs pouvant expliquer la pénurie main d’œuvre disponible, mais en réalité le taux d’emploi, c’est-à-dire le nombre de personnes qui travaillent, est supérieur de près de 2 % à la période prépandémique. Si l’on en croit les données relatives aux postes à pourvoir, le manque et l’inadéquation des compétences pèsent davantage sur le taux d’emplois vacants que la pénurie de main-d’œuvre proprement dite.

Selon une analyse réalisée aux deuxième et troisième trimestres 2022 par l’Autorité européenne du travail à propos des déséquilibres du marché du travail, des pénuries de grande ampleur ont touché les métiers et les occupations qualifiées dans les secteurs du logiciel, de la santé, de la construction et de l’ingénierie, tandis que d’autres professions ont connu une situation excédentaire. En France par exemple, le secteur du numérique représente à lui seul près de 10 % des emplois vacants, soit 85 000 postes, d’après une étude publiée par l’Institut Montaigne.

Cette dernière indique par ailleurs que la demande va augmenter de façon considérable d’ici à 2030 : actuellement, le secteur numérique représente 945 000 emplois ; en 2030, il concernera entre 1,2 et 2 millions de personnes, ce qui signifie qu’entre 476 000 et 1 300 000 personnes vont devoir être formées au cours des sept prochaines années. Compte tenu de l’adoption croissante des technologies numériques dans la totalité des secteurs d’activité, la demande et le manque de compétences dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, l’automatisation, l’analyse des données ou la cybersécurité vont poursuivre leur trajectoire croissante à travers notre continent.

Quelles sont les conséquences de cette situation ? Existe-t-il des solutions ?

Cette pénurie de main-d’œuvre de grande ampleur est une préoccupation majeure pour les entreprises comme pour les pouvoirs publics, dans la mesure où elle constitue un frein potentiel à la croissance. Faute de personnel qualifié, certains chefs d’entreprise se voient contraints d’abandonner des projets ou de les externaliser. La compétitivité et la rentabilité peuvent être affaiblies par des baisses de productivité, par la moindre qualité des produits et des services proposés, ainsi que par une perte de parts de marché. Sur le long terme, se pose la question stratégique du développement et de la conservation des compétences et des connaissances à forte valeur ajoutée dans l’ensemble des entreprises et à l’échelle du pays, car c’est bien là que réside la valeur au long cours.

Aisling Soden

En Irlande, 63 % des 25-34 ans sont titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur, ce qui constitue le taux le plus élevé d’Europe. C’est pourquoi l’adéquation entre le vivier de talents et la demande du marché est un enjeu clé de la politique gouvernementale en matière d’enseignement supérieur. Les acteurs de l’industrie et de l’enseignement collaborent étroitement pour identifier les besoins en compétences et élaborer conjointement des cursus de premier cycle, ainsi que des programmes d’enseignement et de formation professionnels dans des domaines où les besoins en qualifications sont critiques, mais également dans l’optique de développer des modèles innovants et agiles pour la mise en œuvre de ces programmes.

Le projet irlandais de micro-qualifications Microcreds en est un excellent exemple. Cette initiative européenne de premier plan a pour vocation de développer des activités d’apprentissage de courte durée, reconnues au niveau national et conçues pour répondre aux besoins des employeurs et des employés. La particularité de ces cours réside dans le fait qu’ils peuvent être suivis et combinés au sein d’une même université ou entre différents établissements, de sorte que l’apprenant a la possibilité d’élaborer son propre cursus pour poursuivre son parcours professionnel. Il est primordial de proposer au niveau national des opportunités de montée en compétences (upskilling) pertinentes, le revers de la médaille étant que les entreprises doivent appliquer une approche stratégique du développement des talents qui soit en phase avec leur stratégie institutionnelle.

Une « stratégie de développement des talents » permet aux entreprises d’identifier et de développer les compétences essentielles à la concrétisation de leurs priorités présentes et futures, tout en définissant des parcours de carrière et des accompagnements à l’attention du personnel, encourageant l’épanouissement des employés. Le monde du travail a évolué et les aspirations des travailleurs ne sont plus celles des générations précédentes. Pour attirer et retenir des talents, les entreprises doivent offrir aux employés une proposition de valeur qui inclut des plans de progression de carrière associés à des opportunités d’apprentissage et de développement. 

En quoi les investissements directs étrangers (IDE) peuvent-ils contribuer à résoudre ces problèmes ?

Dans cette « course » aux talents, les pays à même d’offrir des possibilités de formation et d’enseignement professionnels à vocation industrielle de haute qualité disposeront d’un avantage concurrentiel, étant donné que les possibilités d’apprentissage et de développement de carrière constituent des facteurs décisifs pour séduire et fidéliser les meilleurs éléments. En reconnaissant la nécessité d’investir dans la montée en compétences de la main-d’œuvre et en mesurant la valeur de ces investissements, les entreprises qui investissent à l’étranger participent activement à l’écosystème pédagogique local et soutiennent le développement de cours et de programmes qui contribuent de manière générale à la création d’un réservoir national de talents hautement qualifiés, ce qui, à terme, se traduit par de nouveaux investissements et la création d’emplois à forte valeur ajoutée.

À cet égard, si la France conserve la tête du classement des investissements directs étrangers, l’Irlande est très performante par le nombre d’emplois créés par projet d’investissement étranger, à savoir 181 emplois en 2022.

La disponibilité d’un vivier de talents hautement qualifiés est un formidable atout pour la proposition de valeur d’un pays, ainsi que la décision d’une entreprise d’y investir. En d’autres termes, la relation entre les IDE et le système éducatif national est extrêmement importante, car elle fournit les talents nécessaires pour appliquer la stratégie commerciale et la capacité à saisir de nouvelles opportunités tandis que ladite stratégie évolue. Pour tirer parti de cette situation, les dirigeants des filiales de multinationales doivent non seulement aligner leur stratégie commerciale sur celle du siège, mais également aligner la stratégie de développement des talents sur les deux stratégies commerciales. C’est ainsi que seront réunies les conditions favorables aux futurs investissements étrangers dans un contexte de croissance durable. 

Comment encourager ce cercle vertueux ?

La Commission européenne a déclaré 2023 « Année européenne des compétences » dans le but de « donner un nouvel élan à l’accès à la formation pour tous et tout au long de la vie, pour permettre à chacun de maîtriser son parcours et à l’Europe de se doter en compétences d’avenir ». Par cette initiative, la Commission appelle les États membres à valoriser leurs politiques des compétences sous cinq angles principaux : adéquation au marché du travail, soutien aux transitions professionnelles, contribution aux grandes transitions, accroissement des mobilités et reconnaissance des qualifications.

En Irlande, IDA et l’Irish Management Institute (IMI) développent des initiatives destinées à poser les bases d’investissements étrangers futurs et d’une croissance durable. Ainsi depuis 2019, le programme Leading with Strategic Intent réunit les équipes dirigeantes des sites de multinationales afin de partager leur expérience et leur réseau avec leurs homologues d’autres entreprises internationales et d’autres secteurs d’activité. Ce programme aide les équipes à renforcer la puissance stratégique et l’aptitude des sites à saisir de nouvelles opportunités.

Le programme Future Subsidiary Leaders propose quant à lui une série d’ateliers expérientiels élaborés par des décideurs de grandes entreprises internationales en association avec des programmes de mentorat encadrés par un expert en IDE afin de développer les capacités des candidats à fort potentiel et de les préparer à accéder aux postes de direction d’une filiale.

Autant d’exemples de projets qui illustrent l’importance du leadership et du développement stratégique des talents — deux piliers de la croissance durable des entreprises et, plus largement, des nations de l’UE — afin d’attirer et de conserver les talents tout en développant leurs compétences.

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