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DSI, 5 ans après, le Big Data valait-il (vraiment) la peine ?

Enjeux IT - Par Juvénal Chokogoue - Publié le 28 novembre 2019
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Cinq ans après, le Big Data a-t-il réalisé ses promesses ? Le Big Data n’était-il finalement qu’une mode ? Et quid du futur ? Dans cet article, nous allons répondre à ces interrogations. L’idée est de faire le point sur 5 ans de fanfare médiatique sur le Big Data et de former une opinion sur son futur.

DSI, 5 ans après, le Big Data valait-il (vraiment) la peine ?

Il y’a 5 ans, le Big Data faisait son apparition avec beaucoup de fanfare et de tapage médiatique. En tant que garante de l’évolution du système informationnel de l’entreprise, la DSI a emboîté le pas du Big Data et on a vu de nombreux projets naître, de nombreux PoC ont été lancés au sein des entreprises. L’intégration du Big Data a pris un tournant lorsque l’Etat a lancé sous le gouvernement Hollande, la Nouvelle France Industrielle (NFI), le projet de valorisation du « capital donnée » de la France, qui repose sur les objets intelligents, la confiance numérique, l’alimentation intelligente, les nouvelles ressources, les villes connectées, la mobilité économique, les transports de demain et la médecine du futur.

Projets Karma d’Air France et SMART Grid d’EDF

De nombreuses entreprises du CAC40 se sont jointes à la réalisation de la NFI, nous pensons notamment à Orange, La Poste, GDF Suez, Alstom, AXA, et Société Générale entre autres. Par ailleurs, dans notre ouvrage « Hadoop – Devenez opérationnel dans le monde du Big Data », nous avons détaillé deux projets Big Data : le projet KARMA d’Air France et le projet Smart Grid d’EDF.

Cinq ans après, le Big Data a-t-il réalisé ses promesses ? Le Big Data n’était-il finalement qu’une mode ? Et quid du futur ?  Dans cet article, nous allons répondre à ces interrogations. L’idée est de faire le point sur 5 ans de fanfare médiatique sur le Big Data et de former une opinion sur son futur.

Interrogation #1 : 5 ans après, le Big Data a-t-il réalisé ses promesses ?

Pour répondre à cette question, il faut comprendre déjà ce que c’est que le Big Data et ensuite comprendre où se situent ses opportunités.

Aujourd’hui, le Big Data est perçu aux yeux de tous comme étant l’explosion de données, la taille phénoménale du volume de données produite par les activités du Numérique. La définition bien connue qui lui est donnée, c’est celle des 3V, Volume, Vitesse et Vélocité des données. D’ailleurs, cette perception volumique du Big Data est tellement ancrée dans les mœurs que la commission générale de terminologie et de néologie française a décidé qu’on appellera désormais « Big Data » officiellement par « mégadonnées » et y a associé la définition suivante : « données structurées ou non dont le très grand volume requiert des outils d’analyse adaptés ».

Malheureusement, concevoir le Big Data sous un aspect purement volumique c’est minimiser le potentiel économique de la donnée pour une entreprise et limiter sa perception vis-à-vis de la transition numérique qui est en cours.

Comprenez que le Big Data n’est pas avant tout un phénomène de volumétrie de données, c’est un phénomène social. C’est la partie visible de la transition du monde de l’ère industrielle à l’ère numérique.

DSI, le Big Data est la partie visible de la transition de l’économie industrielle vers l’économie numérique. Il provient principalement de la combinaison de deux facteurs : la mise à disposition d’Internet entre les mains du grand public et l’augmentation du nombre de personnes connectées à Internet.  En effet, la vulgarisation d’Internet a entraîné la digitalisation des activités des entreprises, celle-ci est survenue au même moment que l’augmentation du nombre de personnes connectées à Internet par le biais des smartphones et autres gadgets. Aujourd’hui, il n’y’a plus qu’à travers les smartphones que les utilisateurs sont connectés à Internet, ils y sont aussi par le biais des véhicules (on parle de véhicules connectés), de leur maison (maisons connectées), ainsi de suite. Toutes ces activités digitales génèrent des données qui sont des sources potentielles d’opportunités pour les entreprises qui peuvent les percevoir et les saisir…

Des opportunités ? Où se situent précisément les opportunités dans le Big Data ? Très simple !

Dans la technologie ! Dans l’économie industrielle, l’opportunité était liée à la taille du marché. La demande était relativement stable. Tout ce qu’il suffisait de faire pour identifier une opportunité c’était trouver un besoin encore non-satisfait et estimer si la taille du marché était suffisante pour couvrir les coûts à engager. Dans l’économie numérique, l’économie du Big Data, ce n’est plus nécessairement le cas. La technologie modifie de façon très profonde le comportement des consommateurs et redéfinit continuellement la demande. Par exemple, lorsque l’automobile a été introduite pour la première fois dans le marché, c’était considéré comme un luxe, mais avec le temps, lorsqu’Henri Ford a réussi à la produire à grande échelle grâce à des techniques de production de masse, elle rapidement devenue un bien commode qui a profondément modifié notre perception de la mobilité et est aujourd’hui perçue comme une nécessité. Pareil, les téléphones il y a quelques temps encore ne faisaient pas partie de notre vie. Aujourd’hui, avec l’évolution technologique, ils sont devenus indispensables à la vie moderne. En introduisant sur le marché de nouveaux produits qui deviennent la base d’un nouveau style de vie, la technologie crée des besoins qui n’existaient pas auparavant, ou du moins qui n’étaient pas perçus en tant que tel.

Ainsi, c’est dans la technologie que se situe l’opportunité dans l’ère numérique, mais plus dans la demande comme dans l’ère industrielle. Comme le livre des proverbes le dit si bien : « Il n’y’a rien de nouveau sous le soleil », les besoins des humains restent les mêmes (sécurité, alimentation, appartenance à un groupe, mobilité, réalisation de soi, etc.), mais dans le Big Data, la technologie les redéfinit sans cesse. Les entreprises qui sont donc à même d’utiliser la technologie disponible dans l’ère des Big Data pour redéfinir des besoins et simultanément mettre en place un business model efficace pour les exploiter seront être gagnantes du Big Data.

Ainsi, si nous évaluons l’interrogation selon cet angle, nous dirons que de notre observation, les promesses du Big Data n’ont pas encore été saisies, beaucoup d’entreprises cherchent encore des moyens innovants de rentabiliser les données.

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Interrogation #2 : le Big Data n’est-il finalement qu’une mode ?

Pour répondre très simplement à cette interrogation, non ! Le Big Data n’est pas une mode.

C’est la partie visible de la transition du monde d’une ère industrielle caractérisée par l’électricité à une ère caractérisée par la donnée. Cette interrogation vient du fait que beaucoup associe le Big Data au « Big » Data, autrement à son sens littéral (gros volume de données).

En réalité, c’est de très loin plus large que cela. Le Big Data est l’expression physique de la transition du monde dans une autre ère.  Autrement dit, ce n’est pas une tendance, mais c’est un phénomène, un phénomène social. Ce type de transition d’une époque à une autre entraîne toujours un changement de mentalité (ou ce que le chercheur Thomas Kuhn appelle un changement de paradigme), c’est-à-dire un changement de la façon dont les gens voient [perçoivent] le monde et y fonctionnent. Pour illustrer le changement de paradigme, c’est un peu comme si le monde passait d’un régime démocratique à un régime monarchique. Vous vous doutez bien que la mentalité des individus dans les deux types de systèmes n’est pas la même. Sans une transformation du système de pensées, il est impossible de voir en quoi le Big Data se différencie du « Big » Data.

Interrogation #3 : et quid du futur ?

Cette question est survenue avec le rachat d’Hortonworks par Cloudera. Comme nous l’avons expliqué précédemment, le Big Data n’est pas une mode, ni une tendance passagère comme beaucoup de mouvements qui l’ont précédé. C’est une transition et ses opportunités existent dans les technologies qui permettent de valoriser les données pour redéfinir la demande. Actuellement, la technologie phare du Big Data c’est Hadoop. Hadoop est aujourd’hui distribué commercialement par Cloudera, Hortonworks et MapR majoritairement. La fusion de Cloudera et Hortonworks en Octobre dernier a envoyé des ondes de choc à tout le marché.

Gardez à l’esprit que l’adoption à large échelle d’une technologie ne dépend pas des développeurs, consultants, managers, lead engineers, etc. mais des utilisateurs métiers. Traditionnellement, il est admis que c’est la rareté qui crée un avantage stratégique, c’est-à-dire le fait de posséder quelque chose que les autres ne possèdent pas (la différenciation, encore connue sous le nom de loi de la rareté, cf. paradoxe de l’eau et du diamant). Ce point de vue est valable et vrai. Cependant, il ne s’applique pas pour tous les produits. Certains produits, comme les produits culturels (livres, musiques, films, etc.) ou encore les produits technologiques (photocopieurs, téléphones, bases de données, Hadoop) gagnent en valeur/importance en fonction du nombre de personnes qui les utilisent/consomment.

Par exemple, plus le nombre de lecteurs d’un livre augmente, plus ce livre a de la valeur. Plus le nombre de personnes qui ont un compte Facebook/WhatsApp augmente, plus le réseau social a de la valeur. Plus une application est téléchargée sur le Play Store ou Google Store, plus cette application gagne en importance. Idem, plus l’audience d’une émission augmente, plus cette émission a de la valeur. On appelle cet effet en économie les effets de réseaux. Bob Metcalfe avait fait ce constat pour les produits technologiques et fait une déclaration qu’on admet aujourd’hui comme loi. Cette loi porte son nom (loi de Metcalfe). Elle stipule : « la valeur d’une technologie est proportionnelle au carré du nombre de personnes qui l’utilise ». Pour paraphraser cette loi, on pourrait dire que « la valeur d’une technologie est proportionnelle au nombre de personnes qui l’utilise ». Ce sont donc ces effets de réseau qui justifient que le succès d’une technologie ne dépende pas des développeurs ou des utilisateurs spécialisés, mais des utilisateurs métiers.

Une technologie gagne ainsi en importance en fonction du nombre de personnes qui l’utilise. Lorsque ces effets deviennent suffisamment puissants (ou lorsque le nombre d’utilisateurs atteint un seuil critique), la technologie finit par devenir un « standard ». Aujourd’hui, le nombre d’utilisateurs d’Hadoop n’a pas encore atteint une taille critique pour que les effets de réseaux entrent en jeu (c’est peut-être ce qui justifie la fusion de Hortonworks et Cloudera), mais il est facile de voir que cela ne tardera pas, car Hadoop présente les caractéristiques d’une technologie qui pourra devenir un standard.

En matière de data, le SQL est aujourd’hui un langage très commode et une compétence possédée par tout analyste métier digne de ce nom. De plus, la majorité des systèmes opérationnels des entreprises tourne sur SQL. Ainsi, une technologie de gestion de données, aussi performante soit-elle, ne deviendra jamais un standard si elle n’est pas complètement intégrée à SQL. En plus d’être mature et stable, Hadoop est l’une des rares plateformes technologiques du Big Data complètement intégrée à SQL qui, dans quelques années, ne requerra pas plus de compétences que le SQL pour être exploitée.

C’est pour cela que nous pouvons dire avec assurance qu’Hadoop ne sera pas abandonné dans le futur, au contraire, sa standardisation ne fait que commencer. Tant que Hadoop existe d’une façon ou une autre pour exploiter les « Big » Data, la transition du monde vers le Big Data continuera. Donc, le futur s’annonce Big Data !

 

Juvénal Chokogoue, auteur des ouvrages « Maîtrisez l’utilisation des technologies Hadoop » paru chez les éditions Eyrolles et « Hadoop – Devenez opérationnel dans le monde du Big Data » paru chez les éditions ENI

 

Enjeux IT - Par Juvénal Chokogoue - Publié le 28 novembre 2019