Compétence transversale ou matière à part entière : quelle place pour la cybersécurité à l’école ?

Et pourtant, une large portion de la population reste insuffisamment préparée aux risques numériques. Selon le baromètre du numérique 2025 de l’Arcep, 75 % des 18-24 ans sont particulièrement inquiets face à l’usage des nouvelles technologies.

Xavier Prost, Training & Editing Manager chez Stormshield partage son analyse du sujet.

La cybersécurité est désormais intégrée aux compétences évaluées au collège, notamment via le programme Pix, qui inclut un volet « Protection et sécurité » dès la 3^ème. Ce dispositif joue un rôle important dans l’évaluation des compétences numériques, mais intervient assez tard dans le parcours scolaire. Intégrer la cybersécurité dès l’école primaire permettrait de poser progressivement des bases solides et adaptées aux plus jeunes. La question reste de savoir comment structurer un apprentissage clair et progressif au primaire, en complément des dispositifs existants au collège, pour mieux préparer les élèves aux enjeux et aux risques du numérique, et ce, dès le plus jeune âge.

Ecole : faire de la cybersécurité une compétence essentielle dès le primaire

Dans un monde de plus en plus connecté, les cybermenaces sont omniprésentes, touchant aussi bien les individus que les organisations. Selon l’Arcep, suite à l’essor du numérique, plus de 40 % des 12 ans et plus sont équipés d’au moins un objet connecté. Cela expose encore davantage les jeunes générations qui sont des cibles privilégiées pour les cybercriminels. Ces derniers utilisent des techniques de plus en plus sophistiquées pour manipuler les plus jeunes et les inciter à cliquer sur des liens malveillants. Pour les lycéens, des formats interactifs comme des « escape games » existent déjà, comme celui lancé par Cyber3000. Ils offrent une expérience immersive où les jeunes peuvent expérimenter concrètement les enjeux de la sécurité en ligne, renforcer leur vigilance et apprendre à détecter les risques dans un cadre sécurisant et stimulant.

Mais acquérir les bons réflexes dès le plus jeune âge est crucial pour limiter les risques. Apprendre à être vigilant face aux arnaques en ligne, gérer ses mots de passe, ou encore à identifier et protéger ses données personnelles constitue un socle de bonnes pratiques. Ces compétences pourraient être enseignées de manière systématique à la maison, tout comme on enseigne les règles de la route ou de sécurité. Par exemple, des initiatives comme Les As du Web ou J’apprends à hacker, des livres pédagogiques destinés aux enfants de 7 à 11 ans facilitent l’apprentissage ludique et accessible des bonnes pratiques numériques.

Xavier Prost, Training & Editing Manager chez Stormshield

Ces supports permettent aux enfants d’aborder la cybersécurité à travers des histoires et des activités adaptées à leur âge, ce qui favorise la compréhension et la mémorisation. Par ailleurs, la valise pédagogique d’e-Enfance propose aux enseignants et animateurs des modules thématiques et des jeux adaptés, facilitant l’intégration de la cybersécurité dans les activités scolaires et périscolaires pour les plus jeunes. Ces outils complémentaires participent à construire une culture numérique responsable et proactive, à différents niveaux du parcours scolaire. Toutefois, ces programmes ne sont pas encore suffisamment généralisés, notamment au sein des écoles. Pourquoi ne pas en faire une démarche systématique, dès la fin du primaire ?

La cybersécurité ne peut effectivement plus être considérée comme un domaine réservé aux experts en technologies. Dans une société numérisée, elle concerne tout le monde, des simples utilisateurs aux futurs décideurs. La maîtrise des risques numériques doit ainsi être vue comme une compétence fondamentale pour tous. En ce sens, éduquer les plus jeunes à la cybersécurité est une priorité non seulement pour leur sécurité individuelle, mais aussi pour leur permettre de contribuer à une société numérique plus sûre.

Initier les plus jeunes aux bons réflexes numériques

Il est désormais temps d’intégrer la cybersécurité dès la fin du primaire dans le cursus scolaire de manière obligatoire. Tout comme l’éducation aux médias ou les mathématiques, la cybersécurité devrait être enseignée de manière systématique à l’école, afin de garantir que chaque élève, dès qu’il est assez mature, puisse accéder à ces connaissances. Un module obligatoire de cybersécurité, intégré à l’éducation de base, permettrait de former une génération capable d’évoluer de manière sécurisée dans l’univers numérique. Une telle approche permettrait de sensibiliser les enfants aux enjeux de sécurité numérique et d’uniformiser les bonnes pratiques, pour éviter que des manques de connaissance ne deviennent des points faibles, plus tard exploités par les cybercriminels.

Par exemple, un dispositif comme le Permis Cyber, inspiré du Permis Piéton, pourrait être une solution efficace pour atteindre cet objectif. Un tel programme, accessible à tous les jeunes, permettrait d’éduquer massivement les générations futures aux bases de la cybersécurité, en leur fournissant les outils nécessaires pour se protéger contre les cybermenaces. Dans une optique similaire, des initiatives comme “Passe ton hack d’abord« , le plus grand challenge cyber de France, ou le programme “SensCyber” de Cybermalveillance.gouv.fr visent à développer une culture cyber dès l’adolescence.

En parallèle, un lien renforcé avec les acteurs de l’industrie et les forces de l’ordre pourrait compléter cette approche éducative. Des initiatives, comme le permis internet pour les enfants par la Gendarmerie nationale, la Police nationale, la Préfecture de Police et l’association AXA Prévention, ont déjà fait leurs preuves en sensibilisant les élèves de CM2 aux bons usages du numérique. Ce programme, inscrit dans le cadre de l’initiative Safer Internet de la Commission européenne, démontre qu’il est possible de fédérer les efforts de l’État, des entreprises et des institutions pour offrir une formation concrète et pertinente. Inspiré de ce modèle, d’autres programmes pourraient être développés à l’échelle nationale, afin d’ancrer durablement la cybersécurité dans les parcours scolaires et ainsi préparer les jeunes à relever les défis d’un monde numérique en constante évolution.

Accompagner les plus jeunes dans la découverte de la cybersécurité ne se limite pas à l’acquisition de compétences techniques. L’intégration de formations pratiques et de collaborations avec le secteur privé leur permet de mieux appréhender les cybermenaces, tout en éveillant des vocations et en ouvrant la voie à des carrières prometteuses dans un domaine en constante évolution.

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